Rien à voir avec les rossignols
Nous sommes le 5 septembre 1938. Newsweek fait paraître une nouvelle qui a l’effet d’une bombe, une nouvelle qui va scandaliser l’Amérique. Dans une prison à sécurité maximale à Holmesburg en Pennsylvanie, vingt-cinq prisonniers ayant déclenché une grève de la faim pour protester contre le régime qu’on leur faisait subir, furent enfermés dans un local chauffé à la vapeur qu’on appelait avec ironie le Klondike. À l’ouverture des portes, les gardiens découvrirent que quatre prisonniers avaient été littéralement brûlés à mort. L’affaire fit scandale, et le scandale fut étouffé par les politiciens. L’enquête avorta en raison de ce qu’on a appelé «une conspiration du silence». À cette époque, celui qui allait devenir l’un des dramaturges les plus célèbres du monde, Tennessee Williams, a vingt-sept ans et est étudiant en dramaturgie. Indigné par ce massacre, il prend la plume pour dénoncer avec rage et violence la perpétration de telles atrocités. Déjà passionné de justice sociale, le jeune Williams écrit Not About Nightingales (Rien à voir avec les rossignols). L’auteur vous convie à une véritable descente aux enfers en compagnie de prisonniers qui vivent dans la peur de la torture et de la mort brutale. Vous sonderez leurs cœurs, vous connaîtrez leurs angoisses, leurs désirs secrets, vous serez en cage avec eux et vous rêverez peut-être comme eux d’évasion et de liberté. Vous vous attacherez à Eva, à son amour pour Canari Jim, et vous partagerez peut-être sa foi en la beauté comme moyen d’évasion. C’est à travers les cris, les pas et les détonations, quand l’ombre des flammes danse sur les murs de la prison en émeute, que Canari Jim rêve de retrouver sa liberté et sa dignité humaine, bercé par le chant aigu des rossignols. Williams nous donne ici une œuvre ambiguë dont les personnages, prisonniers de leur propre vie, ne peuvent que la subir sans espoir de pouvoir un jour la rendre meilleure. Sommes-nous réellement libres?