Programme — Whitehorse

Les auditions annuelles de Duceppe nous permettent de découvrir (et de redécouvrir) des acteurs et des actrices qui mériteraient assurément plus de visibilité sur nos scènes. Cette initiative donne des résultats impressionnants: au cours des quatre dernières saisons, pas moins de 20 artistes issu·e·s de ces auditions ont su se tailler une place dans notre programmation.

Si notre objectif est de contribuer à ouvrir notre milieu et à vous faire découvrir de nouveaux visages, ces auditions donnent souvent lieu à de belles surprises, comme ce fut le cas lorsque les acteurs Guillaume Laurin et Sébastien Tessier nous ont présenté une scène issue de la bande dessinée Whitehorse, de Samuel Cantin. D’une redoutable efficacité et laissant place à des moments d’hilarité générale dans la salle, leur adaptation nous a convaincus d’une chose: l’univers de Samuel Cantin devait être adapté à la scène.

Quelques semaines plus tard, Samuel, Guillaume et Sébastien se lançaient conjointement dans l’adaptation de la bande dessinée et mettaient la formidable équipe de Couronne Nord à contribution. Alors que la production aurait pu être compromise par la pandémie à plusieurs reprises, le metteur en scène Simon Lacroix et ses vaillant·e·s interprètes se sont retroussé les manches. Malgré la fermeture des salles de spectacle, l’équipe a su faire progresser leur proposition dans le cadre d’un laboratoire de création entre nos murs.

C’est un réel privilège de pouvoir mettre de l’avant le travail d’artistes aussi investi·e·s et dévoué·e·s. Nous espérons que leur amour de la comédie et leur plaisir à partager la scène seront contagieux et que cette adaptation d’un fleuron de la bande dessinée québécoise contemporaine sera un puissant remède contre la grisaille automnale.

Merci d’être là et bonne représentation!

David et Jean-Simon
Codirecteurs artistiques

Je suis sur la table d’examen du médecin, nerveux comme un suisse, il fait froid dans ma jaquette d’hôpital bleu ciel, et j’attends. J’attends de passer un électrocardio-truc parce que le médecin a entendu un trou gros comme un vingt-cinq sous dans mon cœur. Je tourne la tête et gravé dans le mur, à un pouce de mes yeux: You’re gonna die here. Je perds un litre de sueur d’un coup.

Deux Advil plus tard, je suis guéri: finalement ce que j’avais n’était que musculosquelettique (Rien que ça! Le squelette ET les muscles! Une infime partie du corps humain en somme!) mais mes problèmes sont loin d’être réglés: j’ai une nouvelle à écrire pour mon cours de création littéraire au cégep de Sherbrooke et je n’ai TOUT SIMPLEMENT pas eu le temps jusque là à cause de nuits d’insomnie à me demander (très légitimement) si mon thorax allait s’effondrer vers l’intérieur. (Ce n’est vraiment pas drôle les douleurs musculosquelettiques, même si ça se règle avec deux Advil.)

C’est comme ça que Whitehorse est né, en mots. C’était une nouvelle à la base, écrite quelque part en 2005, sauf que dans la nouvelle, c’était un perroquet qui proférait le You’re gonna die here et la vague douleur musculosquelettique était devenue le Syndrome de la tortue, caractérisé par une rentrée progressive de la tête dans l’abdomen. (Ainsi nommé car les tortues ont le pouvoir d’entrer leur tête dans leur carapace, je ne sais pas si vous le saviez.)

Le sédiment des années a fait ce qu’il fait toujours et, huit ou neuf ans plus tard, alors que j’étais devenu un bédéiste très vaguement et très précairement établi et que j’ai ressorti ce Whitehorse, qui ne m’avait jamais vraiment quitté l’esprit, pour en faire un roman graphique, ce n’était plus juste une histoire de maladie étrange et de cabinet de médecin. Entre les deux j’avais, spoiler alert, «vécu des choses», et il y avait maintenant dans le livre une histoire d’amour qui vire mal, des ambitions artistiques détruites, d’autres qui avaient été exaucées, il y avait Sylvain Pastrami le réalisateur au sexe géant, il y avait un film au centre de l’histoire, un film qu’on tournerait à Whitehorse où il y aurait des caribous, des pélicans, un deltaplane, un petit Sébastien, etc., etc.

Et maintenant, le sédiment des années poursuivant son travail inéluctable (eh là là…), Whitehorse subit une autre métamorphose: la pièce de théâtre que vous allez voir. Pour moi, cette version est comme une union parfaite entre les deux précédentes incarnations de l'œuvre. C’est comme un rêve. Quand Guillaume et Sébastien m’ont écrit pour savoir si j’étais intéressé à faire Whitehorse au théâtre, j’ai répondu: je sais pas, est-ce que l’eau est trempe? (J’ai depuis travaillé sur mon attitude hyper-sarcastique désagréable.)

Nos mots se sont mélangés à merveille et l'œuvre a maintenant dix mille autres angles et perspectives qu’elle n’avait pas avant, et je suis plus excité que jamais de vous faire découvrir ce nouveau Whitehorse. C’est, je crois, drôle, weird, touchant, absurde et vrai à la fois, et surtout, je me pince encore, c’est du théâtre.

Bon spectacle,
(je serai dans la salle avec vous, je serai celui qui murmure constamment pour lui-même comme un sombre fou: «Ben voyons donc j’en reviens pas, j’en reviens pas, c’est comme un rêve, bla ble bli blou blou…)

Samuel Cantin

Quand j’ai lu Whitehorse pour la première fois, j’ai eu un coup de foudre. J’suis tombé en amour avec l’humour de Samuel! Tout comme la première fois où j’ai vu Guillaume, sur scène, lors de ses auditions au Théâtre de Quat’sous en 2013. Des rencontres de ce genre, il faut les saisir, les embrasser, les nourrir et en profiter au maximum. Le travail d’équipe et le partage créatif sont de loin ce que je préfère dans ce métier et j’ai la chance d’être entouré d’artistes incroyables. C’est un vrai privilège que Samuel ait accepté d’unir nos univers pour vous offrir cette version 3D de sa bande dessinée!

C’est un rêve et un désir de pouvoir jouer de la comédie dans un théâtre comme Duceppe. Merci à Jean-Simon et à David de m’offrir la chance de le réaliser. Merci à Couronne Nord de nous produire, à Simon de nous diriger et aux comédien·ne·s d’embarquer dans le délire!

Ce serait vous mentir que de prétendre que je ne suis pas «nerveux comme un suisse», pour reprendre les mots de Samuel! Mais bon dieu que je suis excité et heureux. Je dis: bon dieu… Mais j’suis pas catholique… Mais bref, c’est peut-être pas nécessaire de le spécifier… Sauf qu’en même temps, j’tiens à le préciser… Merde, j’aurais juste dû choisir une autre expression.

Je m’égare.

Bon spectacle!

Sébastien Tessier

Été 2019, Sébastien me propose de participer aux auditions ouvertes de Duceppe. Voulant à tout prix présenter une scène hors du répertoire théâtral, je n’arrivais pas à lui répondre sans faire de blagues:

• on présente une scène du film Les Boys, pour finir avec un numéro chanté,

• on se bourre la bouche de Kleenex pour imiter Brando dans Le Parrain,

• on reprend la scène de la porte de limousine dans Elvis Gratton III (j’suis prêt à jouer la limousine).

Devant mes propositions aussi intéressantes que constructives, il m’a mis le roman graphique Whitehorse entre les mains en me disant: «J’pense que y’a de quoi se faire du fun là-dedans.» Il n’avait pas tort. Les dialogues délicieux de Sam donnaient aussitôt le goût de se lever et de les jouer. Une bande dessinée sur le milieu cinématographique adaptée au théâtre: là, on arrivait avec une proposition!

De la première répétition dans le salon de Sébastien aux nombreux brainstorms entre deux games de pool, jusqu’au dernier enchaînement chez Duceppe, en passant par la captation hybride de la lecture présentée durant la pandémie, ce processus d’adaptation aura été un gros vecteur de fun à chaque étape. J’ai été crampé tout le long.

Merci Sam; non seulement tu nous a fait confiance, mais tu as sauté à pieds joints dans la direction qu’on t’a proposée. Simon, t’as été le capitaine idéal; dès la première lecture, tu n’as fait que bonifier notre écriture, toujours à la recherche du mot juste. Merci Jean-Simon et David d’avoir cru en ce projet depuis notre toute première audition et d’avoir tenu parole quand vous nous avez dit «On veut le voir, ce show-là!».

Maintenant, Whitehorse here we come!

Guillaume Laurin

J’adOOOre le travail de Samuel Cantin. Ses BD sont complètement disjonctées, surprenantes et débordent d’un humour aussi délicieux que décapant. J’admire la liberté et la fougue qui émanent de ses livres. Quand on m’a demandé de faire la mise en scène de Whitehorse, j’étais à la fois excité, honoré et légèrement terrorisé. Parce que Whitehorse, c’est un monstre: deux épais tomes qui totalisent 545 pages! Puis, ma peur a baissé d’un coup quand j’ai lu l’adaptation théâtrale qu’en avaient faite Sébastien Tessier et Guillaume Laurin, épaulés par Samuel. En mettant leurs trois cerveaux ensemble, ils ont réussi à transformer ce beau grand monstre de BD en belle petite bébitte théâtrale d’une heure et demie, et ce, tout en conservant l’âme de l’œuvre originale. Chapeau bas, comme on dit!

Mais bon, après ça, il fallait quand même le monter, ce spectacle. Pour ce faire, ça prenait d’abord des acteur·ice·s aussi précis·e·s que loufoques, aussi comiques que justes. Et vraiment généreux·euses! Et vraiment agréables. Et gentil·le·s. Et propres de leur personne (idéalement). Et vous savez quoi? C’est exactement ce que vous avez été, cher·e·s comédien·ne·s de Whitehorse. Merci du fond du cœur, quel plaisir ce fut de travailler avec vous.

Ça prenait ensuite des concepteur·ice·s aussi inspiré·e·s que dévoué·e·s, aussi niaiseux·euses que débrouillard·e·s. Et vraiment généreux·euses! Et vraiment agréables. Et gentil·le·s. Et propres de leur personne (si possible). Et jackpot ici aussi! Merci cher·e·s concepteur·ice·s, pour vos montagnes de bonnes idées. C’était vraiment rassurant de vous avoir à mes côtés.

Et enfin merci à toi, Antoine, chez Couronne Nord, pour ta douce présence. Merci à toi, Anne-Sarah pour ton encadrement joyeux et hautement efficace. Et merci à toi, Andrée-Anne, complice de longue date, pour tes redoutables prises de notes, ton hygiène personnelle impeccable et tes innombrables commentaires constructifs.

Bonne soirée et bon spectacle!

Simon Lacroix

C’est avec un immense plaisir que Couronne Nord vous présente la pièce Whitehorse, fruit d’une collaboration entre la compagnie et le bédéiste Samuel Cantin. Whitehorse est une production qui embrasse indéniablement l’importance de la porosité des médiums: un roman graphique sur l’industrie cinématographique, adapté au théâtre. C’est effectivement l'œuvre qui illustre parfaitement la vision multidisciplinaire de Couronne Nord et nous vous présentons avec grande fierté le résultat de ce travail d’équipe.

Nous tenons d’abord à remercier le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts et des lettres du Québec ainsi que le Conseil des arts de Montréal pour leur soutien dans cette aventure.

Nous tenons également à remercier chaleureusement l’ensemble de nos concepteur·ice·s et collaborateur·ice·s sans qui la réalisation de ce spectacle aurait été impossible. Un merci tout particulier à nos huit interprètes, Charlotte, Éric, Sonia, Vincent, Oscar, Frédérike, Guillaume et Sébastien, qui livrent avec brio chaque pointe d’humour de ce texte désopilant, sans jamais se prendre trop au sérieux. Un merci tout spécial à Simon Lacroix, la personne idéale pour mettre en scène cette comédie décalée et grinçante. Merci à Sébastien Tessier et Guillaume Laurin, à l’origine même de cette adaptation et grâce à qui ce spectacle voit enfin le jour. Merci à David Laurin, Jean-Simon Traversy et l’ensemble de l’équipe de Duceppe qui ont cru dès le début à cette franche rigolade. Enfin, un immense merci à Samuel Cantin et aux Éditions Pow Pow pour cette œuvre splendide et surtout, pour la confiance de nous laisser en faire un spectacle.

L'équipe de Couronne Nord