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Quelques repères significatifs dans l’histoire de l’Ukraine

13 février 2024

L’identité ukrainienne a survécu à divers empires et régimes qui, au fil des siècles, ont cherché à la nier, tenté de la détruire. Ponctuée par des guerres civiles, un conflit mondial, une famine atroce et une récente invasion militaire de la Russie, l’histoire de l’Ukraine est riche, complexe et de nombreux événements marquants l’ont façonnée.

Alors que nous présentons le spectacle Moi, dans les ruines rouges du siècle, inspiré du parcours inouï de Sasha Samar, comédien québécois d’origine ukrainienne, voici quelques repères significatifs.

Recherche et rédaction: Isabelle Desaulniers

862-1242 / LA RUS’ DE KIEV

L’Ukraine partage avec la Russie plusieurs siècles d’histoire commune. Pour saisir l’héritage indissociable des deux pays, il faut remonter de plus d’un millénaire, lorsque Kiev, aujourd’hui capitale ukrainienne, était au centre du premier État slave: la Rus’ de Kiev.

La Rus’ de Kiev a donné naissance à l’Ukraine et la Russie en même temps. Elle est à l’origine de l’histoire et de l’identité nationales des deux pays. À compter du VIIIe siècle, les Vikings de Suède — les Varègues — développent des routes de commerce par les fleuves et s’implantent en territoire slave où ils fondent au IXe siècle la puissante Rus' de Kiev. Confédération de principautés gouvernées par la dynastie des Riourikides du nom de son fondateur nordique légendaire, Riourik, cette dynastie perdurera jusqu’au règne d’Ivan IV, premier tsar de Russie, de 1547 à 1584, également connu sous le nom d’Ivan le Terrible.

Portrait d'Ivan le Terrible par Viktor Vasnetsov, 1897 (galerie Tretiakov, Moscou).

Entre-temps, la Rus’ de Kiev tombera aux mains des guerriers mongols venus d’orient entre 1237 et 1242, divisant la région en plusieurs morceaux qui sont devenus les États modernes de Biélorussie, de Russie et d’Ukraine.

AUX XVIE ET XVIIE SIÈCLES

Au XVIe siècle, les armées polonaise et lituanienne envahissent le pays par le flanc ouest. Au XVIIe siècle, les populations cosaques, qui peuplaient l’est de l’Ukraine, organisent plusieurs soulèvements afin d’acquérir une certaine indépendance vis-à-vis de la Pologne. Leurs troupes libèrent la plus grande partie de l’Ukraine de la tutelle polonaise.

De 1654 à 1667, la guerre entre la république des Deux Nations (le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie) et le tsarisme de Russie voit le territoire être finalement partagé entre la Pologne et la Russie.

Ivan Stepanovitch Mazepa est un hetman des Cosaques, héros de la nation ukrainienne. © MEPL / Bridgeman Images


AU XVIIIE SIÈCLE

Plus d’un siècle plus tard, en 1793, les territoires se trouvant à l’ouest du fleuve Dniepr et contrôlés par la Pologne sont annexés par l’Empire russe. Dans les années qui suivent, on met en place la russification, un ensemble de mesures interdisant notamment l’utilisation et l’étude de la langue ukrainienne. On contraint également la population à se convertir à l’orthodoxie russe.

LA RÉVOLUTION DE 1917 ET L’INDÉPENDANCE (1918-1921)

Au XXe siècle, tandis que les cultures et les industries alimentaires se développent à plein régime, l’intelligentsia ukrainienne se lève contre le tsar russe, qui considère son pays comme une « Petite Russie » et réprime les dissidents et dissidentes. En 1917, le renversement de la monarchie russe mène à la création d’un mouvement national ukrainien et d’une république. La population s’émancipe de l’Empire russe et tente de négocier son autonomie.

L’Ukraine a brièvement proclamé son indépendance en 1918, mais a vite été confrontée à des luttes internes et des interventions étrangères, notamment de la part de la Russie et de la Pologne. Cette courte période d’indépendance nationale prend fin en 1921 avec la conquête totale du pays par l’Armée rouge de Lénine, le nouveau maître de la Russie.

En 1922, l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) est constituée. Elle comprend quinze républiques :
Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Estonie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Lituanie, Lettonie, Moldavie, Ouzbékistan, Russie, Tadjikistan, Turkménistan et l’Ukraine.

LA GRANDE FAMINE DE 1932-1933 (HOLODOMOR)

Résultat d’une politique qui bouleversera le monde rural, la grande famine en République socialiste soviétique d’Ukraine fut intentionnellement aggravée à partir de l’automne 1932 par la volonté inébranlable de Staline de briser par la faim la résistance des paysans et paysannes à la collectivisation, c’est-à-dire éliminer toute propriété privée, au profit de l’État. L’éradication du «nationalisme ukrainien», ressenti comme une sérieuse menace à l’unité de l’URSS, était aussi un objectif.

L’Ukraine est riche en ressources naturelles et représente le grenier à blé de l’URSS. Malgré cela, l’Holodomor, soit «l’extermination par la faim», avec la réquisition des terres et la mainmise sur les réserves de nourriture des foyers, fait, de décembre 1932 à août 1933, de 4 à 6 millions de morts sur les 32 millions de personnes que compte alors l’Ukraine.

Durant plus d’un demi-siècle, ce crime de masse commis par le régime stalinien a été totalement passé sous silence en URSS.
En novembre 2006, le Parlement ukrainien a reconnu la grande famine comme un génocide perpétré par le régime de Staline contre le peuple, accentuant un peu plus la rupture avec son voisin russe.
Un jeune enfant, montrant des signes évidents de famine, pendant l’Holodomor, Kharkiv, Ukraine. © d’Alexander Wienerberger, 1933.

LA SECONDE GUERRE MONDIALE

De 1941 à 1945, la très grande majorité des Ukrainiens luttent en tant que Soviétiques contre l’Allemagne nazie, payant le prix fort de millions de morts, militaires et civils.

Cependant, pour combattre Staline, environ 250 000 d’entre eux livreront bataille aux côtés des Allemands qui essuient des pertes militaires considérables à Stalingrad.

Après ce conflit mondial, l’URSS poursuit sa mainmise sur le Donbass, à l’est de l’Ukraine, en repeuplant par des centaines de milliers d’ouvriers et d’ouvrières russes la région ravagée après l’Holodomor et la guerre. Cet afflux modifie durablement son équilibre ethnique et culturel puisque la majorité des arrivant·e·s ne parlent pas ukrainien.

LA CATASTROPHE DE TCHERNOBYL* (1986)

Le pire accident nucléaire civil de l’histoire est survenu le 26 avril 1986 à Tchernobyl, dans la région de Kiev, une zone très peuplée. Le désastre est dû à une conjonction de facteurs techniques et humains.
*Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire cet article: Tchernobyl en 10 points

L’INDÉPENDANCE DE L’UKRAINE EN 1991: UN PAYS DIVISÉ

Après l’effondrement de l’URSS en 1991, l’Ukraine devient indépendante (avec 90,3% de «oui»). Depuis, le pays est divisé entre ses habitant·e·s attaché·e·s à leur voisin russe et ceux qui rêvent d’adhérer à l’Union européenne (UE).

À deux reprises, ces deux camps se sont affrontés à Kiev: lors de la révolution orange en 2004 pour contester la réélection truquée du président pro-russe Viktor Ianoukovytch, puis par la révolution de Maïdan en 2013, quand Ianoukovytch provoque la stupeur et la colère d’une partie de la population en refusant, sous la pression du Kremlin, de signer un accord d’association avec l’UE (en négociation depuis 2007).

Le 24 août 1991, ce jour où l’Ukraine a déclaré son indépendance. © AFP

MARS 2014: LA CRIMÉE EST ANNEXÉE PAR LA RUSSIE

Dans la nuit du 21 au 22 février 2014, trois mois après le début de la révolution de Maïdan, Viktor Ianoukovitch fuit Kiev par hélicoptère et finit par s’exiler en Russie. Son régime corrompu est renversé et à la tête de l’Ukraine se retrouve un gouvernement favorable au rapprochement avec l’Ouest. L’accord d’association avec l’UE sera finalement signé.

Mais la réaction de Moscou ne se fera pas attendre. La Crimée, une péninsule de quelque 27 000 kilomètres carrés bordée par la mer Noire et hautement stratégique pour ses puissants voisins, est annexée illégalement par la Russie. Son rattachement n’est pas reconnu par la communauté internationale. La même année, des séparatistes pro-russes ouvrent un front dans la région du Donbass.

La guerre du Donbass opposera, d’avril 2014 à février 2022, le gouvernement ukrainien à des séparatistes pro-russes et à la Russie.

LE 24 FÉVRIER 2022, VLADIMIR POUTINE DÉCLARE LA GUERRE À L’UKRAINE

Lundi 21 février 2022, la tension grimpe d’un cran lorsque Vladimir Poutine reconnaît, par la signature de deux décrets, l’indépendance des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, dans la région du Donbass. Le dirigeant russe autorise aussi ses armées à y entrer pour «maintenir la paix».

Le 24 février 2022, Vladimir Poutine lance une invasion militaire, déclarant la guerre à l’Ukraine. Son objectif annoncé est de la «démilitariser et dénazifier». Souhaitant un affrontement éclair, il met énormément de forces sur le terrain. Il masse 150 000 soldats à la frontière russo-ukrainienne et 30 000 autres à celle entre la Biélorussie et l’Ukraine. Les Ukrainiens, eux, ont 200 000 hommes sur tout leur territoire.

Le plan initial de Vladimir Poutine est de prendre Kiev et neutraliser le président Volodymyr Zelensky. En trois jours, ce serait gagné pour l’armée russe. 

Les États-Unis proposent alors au président ukrainien un avion pour s’exfiltrer. «J’ai besoin de munitions, pas d’un chauffeur», répondra Zelensky aux Américain·ne·s.

Des mois plus tard, l’Ukraine résiste toujours à l’envahisseur, soutenue par ses alliés occidentaux. Le bilan humain et matériel des deux pays ne cesse de s’alourdir et les réfugié·e·s, qui fuient par tous les moyens le conflit, se comptent par millions.

Et, au moment d’écrire ces lignes, nul·le ne sait combien de temps ce conflit militaire, le plus grave en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale, va encore durer.

Volodymyr Zelenski à Boutcha, le lundi 4 avril 2022. © RONALDO SCHEMIDT / AFP
Sources:
https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/394973/ukraine-guerre-russie-famine-bolcheviks
https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Ukraine_histoire/187635
https://www.histoire-et-civilisations.com/thematiques/epoque-contemporaine/lhistoire-de-lukraine-un-si-long-chemin-vers-lindependance-81247.php
https://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/ukraine-2histoire.htm
https://www.monde-diplomatique.fr/mav/76/RUCKER/56237
https://www.bnf.fr/fr/agenda/lholodomor-histoire-et-memoire-de-la-grande-famine-de-1932-1933-en-ukraine
https://www.geo.fr/geopolitique/ukraine-ce-quil-faut-savoir-sur-cette-nation-aux-portes-de-leurope-208523
https://www.jean-jaures.org/publication/histoire-de-lukraine-quelques-reperes-fondamentaux/
https://www.tf1info.fr/international/crise-ukraine-dix-dates-cles-pour-comprendre-l-histoire-entrecroisee-de-l-ukraine-et-la-russie-2211525.html
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-fabrique-de-l-histoire/independance-et-sovietisation-1340477
https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/15/l-holodomor-ukrainien-un-genocide-sovietique-different-de-la-shoah-et-des-autres-crimes-de-masse_6169606_3232.html
https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/guerre-en-ukraine-chronologie-des-evenements/
https://www.rtbf.be/article/grand-format-un-an-apres-l-invasion-de-l-ukraine-une-guerre-eclair-devenue-bourbier-11156391
https://www.larousse.fr/encyclopedie/autre-region/%C3%89tat_de_Kiev/127474
https://www.bbc.com/afrique/monde-63682152