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Duceppe
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Liste de lecture: N'essuie jamais de larmes sans gants

24 novembre 2023

L’histoire d’amour tragique entre Rasmus et Benjamin dans N'essuie jamais de larmes sans gants est poignante, et elle l’est d’autant plus qu’elle est emblématique de l’histoire de toute une communauté décimée par le VIH-sida, mais surtout par les préjugés et l’ignorance.

Les libraires de l’Euguélionne, librairie féministe et queer, vous suggèrent quelques lectures pour poursuivre l’expérience théâtrale grâce à la littérature, et pour mieux comprendre les vies de celles et ceux dont la trajectoire a bifurqué à cause de ce virus. 

À noter que L'Euguélionne proposera les 7, 9 et 14 décembre, à la vente avant et après les représentations du spectacle, devant le Théâtre Jean-Duceppe, une sélection d’ouvrages en lien avec les thèmes de la pièce, notamment l’identité queer, le VIH-sida, et l'histoire de l'épidémie, incluant le roman N’essuie jamais de larmes sans gants de Jonas Gardell.

À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, par Hervé Guibert: à quoi se raccrocher quand on se sait condamné·e?

Hervé Guibert est photographe et artiste parisien, ami de Michel Foucault, homosexuel pratiquant. Autour de lui, les gens commencent à être affectés d’un mal mystérieux. Le couperet tombe: il est séropositif. Pendant trois mois, il se croit condamné par cette maladie incurable, jusqu’à ce qu’il rencontre fortuitement un homme, Bill, qui lui fait miroiter un remède miracle qui le guérira. Écrit depuis l’épicentre de l’épidémie, le récit révèle avec une grande sensibilité la détresse, les espoirs, les solidarités et les trahisons qui transpercent celles et ceux qui se savent condamné·e·s.

Rue Sainte-Catherine Est, métro Beaudry, par Denis-Martin Chabot: quand le sexe devient danger

Après de longues années de répression et d’invisibilité, le mouvement de libération gai vient ouvrir la porte du placard. À Montréal, le Village devient le lieu de tous les possibles, de toutes les fiertés, et bien sûr aussi celui de la fête, des rencontres, de la drague. Aussitôt libéré, le sexe entre hommes redevient danger: le VIH frappe. Denis-Martin Chabot se fait chroniqueur de la vie d’une communauté et de ses personnages, qui se frayent chacun à leur manière un chemin à travers les grandes lignes de l’Histoire.

Let The Record Show, par Sarah Schulman: uni·e·s dans la colère

Lesbienne juive new-yorkaise, Sarah Schulman s’est retrouvée, par ses amitiés et ses solidarités politiques, à militer aux côtés de ses amis gais frappés de plein fouet par la crise du VIH-sida. Elle fait partie des activistes au cœur d’ACT-UP, la AIDS Coalition to Unleash Power. Ce groupe auto-organisé regroupe des centaines de personnes affectées par le VIH-sida et allié·es, et développe des sections dans plusieurs grandes villes du monde. Par son usage créatif et sans relâche de l’action directe (comme asperger de sang les bureaux d’une pharmaceutique, un die-in en pleine messe à la cathédrale St. Patrick, emballer la maison d’un sénateur dans un immense condom, ou plus pragmatiquement, instaurer les premières distributions de seringues propres), ACT-UP réussit à faire bifurquer les politiques publiques homophobes de l’administration américaine et l’inaction des compagnies pharmaceutiques. Dans cet ouvrage extrêmement fouillé, Sarah Schulman retrace par l’histoire orale les parcours et pratiques de ce mouvement qui a su faire la différence. Pour lecteur·ice·s motivé·e·s.

Le baiser de la Reine blanche, par Tomson Highway

Il s’agit d’un des très rares romans à parler du VIH depuis une perspective autochtone. Le grand écrivain aux multiples talents Tomson Highway —qui est aussi pianiste, librettiste et compositeur— livre ici un récit empreint de réalisme magique aux forts accents autobiographiques. Les deux frères Champion et Ooneemeetoo, nés sous les aurores boréales dans le nord du Manitoba, se font arracher à leur famille pour être emmenés au pensionnat catholique. Ils y subiront des traumatismes qui les habiteront toute leur vie adulte. Heureusement, la Reine blanche, créature magique et mystérieuse, est là pour veiller sur eux. Ils trouveront rédemption dans l’art, l’un devenant musicien et l’autre danseur. Toutefois, ce dernier est frappé d’une étrange maladie, qui réunit les deux frères et les rattache à leur passé.

Chroniques de San Francisco, par Amistead Maupin, adapté en bande dessinée par Sandrine Revel et Isabelle Bauthian.

San Francisco, dans les années 1970, est la mecque de la libération sexuelle et de genre. Jeunes gais, lesbiennes et trans y convergent, dans l’espoir d’y trouver acceptation et émancipation. Dans ses Chroniques de San Francisco, Amistead Maupin dépeint par une fresque littéraire captivante les tribulations de cette communauté en effervescence. Ce récit choral suit les trajectoires de personnages hauts en couleur, qui recréent au fil de l’histoire des liens d’adelphité inspirants. Le personnage de Michael Tolliver, dit Mouse, atteint du VIH, est au cœur de cette constellation. À travers lui, Amistead Maupin devient presque historien de l’épidémie de sida telle qu'elle a été vécue à San Francisco. Les chroniques, passionnantes, se poursuivent sur plusieurs tomes, et ont même été adaptées à la télévision.

Savoirs créoles: leçons du sida pour l'histoire de Montréal, par Viviane K. Namaste

À l’époque, on parlait des quatre H: homosexuels, hémophiles, héroïnomanes et Haïtiens. Cet acronyme, utilisé pour cibler les populations à risque d’être porteuses du VIH, est venu stigmatiser pendant des décennies (et encore aujourd’hui) ces groupes, alors presque réduits au rang de pestiférés. Dans cet ouvrage, la chercheuse Viviane K. Namasté retrace comment ces préjugés sont venus affecter la communauté haïtienne montréalaise. Elle y parle aussi du rôle clé des infirmières haïtiennes, qui sont au front de la lutte.

Et en bonus pour les lecteur·ice·s passionné·e·s...

C’est un fait peu connu, mais la grande poétesse Josée Yvon, qui brille désormais au firmament de la littérature québécoise, est décédée à l’âge de 44 ans des suites du sida. Son corps, détruit par la maladie et les abus, la lâchait, elle était alors atteinte de cécité. Avec la même lucidité transperçante qui a toujours marqué son parcours littéraire, elle a entrepris l’écriture d’un manuscrit resté inachevé, Manon la nuit. Le texte, encore inédit à ce jour, se trouve dans le fonds Josée Yvon des archives nationales du Québec. En attendant d’y avoir accès, on peut toujours se plonger dans l’inframonde qu’elle documente dans son œuvre coup-de-poing, dont une partie a été récemment rééditée aux éditions des Herbes rouges.