Les oiseaux de proie
Nous sommes en 1924, à Chicago. Deux étudiants brillants issus de familles riches, Richard Loeb et Nathan Leopold, séduits par la philosophie nietzschéenne du «surhomme» commettent ce qu’on a appelé à l’époque le «crime du siècle», en kidnappant et assassinant brutalement un jeune garçon, sans autre mobile que celui de connaître la sensation que procure l’acte gratuit, et ainsi se placer, tels des oiseaux de proie, au-dessus du commun des mortels, à l’abri des regrets, des remords et du sentiment de culpabilité. Convaincus qu’on ne les arrêtera jamais, ils se voient comme d’héroïques guerriers mythiques accomplissant sur leur victime un rite initiatique. Hallucinés, arrogants, intrépides et cruels, Loeb et Leopold seront cependant appréhendés et traduits devant les tribunaux. Et alors, de votre fauteuil dans la salle, vous serez témoins d’un procès exceptionnel et vous aurez à juger du degré de culpabilité des deux accusés. Vous entendrez les arguments de Robert Crowe, procureur, en faveur d’un châtiment exemplaire: la peine de mort! Vous entendrez aussi le plaidoyer profondément humain de Clarence Darrow, l’avocat de la défense, en faveur de la clémence, car dit-il, «la pitié est la plus grande preuve d’humanité et la Bible nous enseigne que nous devons avoir horreur du péché et non du pécheur». Que s’est-il donc passé à Chicago en cette année 1924? À quel motif a donc obéi cette jeunesse dorée qui affirmait n’avoir d’autres dieux que sa liberté? Vous serez confrontés au problème le plus aigu de notre société moderne: la férocité d’une certaine jeunesse perdue dans un monde où les valeurs morales, le respect d’autrui et l’intégrité sociale semblent des valeurs oubliées. Et quand, au dernier moment de cette pièce, le verdict de la cour tombera, vous pourrez vous demander ce que vous auriez fait à la place du juge. Loeb et Leopold n’ont jamais nié avoir commis ce crime; ce qu’ils ont toujours nié, c’est leur culpabilité.