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Duceppe
Carnet de voyage des DA

Carnet de voyage des DA | 24 heures à Londres

20 décembre 2021

Salle de nouvelles, c'est l'histoire d'un véritable coup de foudre pour notre équipe et nos codirecteurs artistiques. Tout commence à Londres, quand David Laurin arrive à mettre la main sur un billet pour LE spectacle de l'heure. Un récit captivant à découvrir ci-dessous.


Le barman de l’auberge de jeunesse m’avait bien averti: «Les portes ouvrent à 10h. Ils mettent seulement en vente une vingtaine de billets pour le soir même.» C’était apparemment l’événement le plus couru à Londres en ce milieu décembre. «Des clients de l’auberge ont quitté en pleine nuit la semaine dernière et sont revenus les mains vides. C’est complètement fou! Je te conseille de te présenter avant 4h si tu veux avoir la moindre chance.»

De retour à ma chambre, je comprends que mes co-chambreurs australiens ont entrepris de célébrer leur débarquement en terre ancestrale. Je dois me lever avant l’aube et il m’apparaît de plus en plus évident que le sommeil ne sera pas une option. Le plus vieux de la bande se montre sympathique à ma cause et tente de m’aider à trouver un compromis. «Le mieux, c’est de ne pas dormir. Ça t’évitera de passer tout droit.» C’est une façon de voir les choses. «Shooter, mate

Quatre heures plus tard, je me tiens devant le National Theatre et me félicite d’avoir récemment investi dans un bon manteau d’hiver. Je suis seizième en ligne et je connais maintenant tout le monde dans la file menant à la billetterie. Ce sera serré. Si trop de gens achètent deux billets, soit la limite permise, je devrai vraisemblablement passer mon tour. À l’avant, deux retraités assis confortablement dans des chaises de camping sortent des verres et offrent du café au groupe. Comme on dit par chez nous: ce n’est pas leur premier barbecue. Le soleil commence à se lever et la jeunesse qui sort des bars se mêle aux travailleurs qui se dirigent vers leur bureau. Je contemple l’épaisse brume qui flotte sur la Tamise et sautille pour me réchauffer et me réveiller. Mes yeux commencent à se faire petits et le doute s’installe. Vais-je y arriver?


«Vous êtes chanceux, monsieur! C’est l’avant-dernier billet disponible.» S’il n’y avait pas eu de comptoir entre nous, j’aurais assurément serré l’employée de la billetterie dans mes bras. Derrière moi, des mines s’assombrissent. Certains comprennent qu’ils devront reprendre ce manège une autre fois. Avant de rentrer, je salue chaleureusement mes nouveaux amis, puis je prends la route de l’auberge, où trois Australiens m’accueillent avec une symphonie de ronflements de calibre professionnel.

La dernière rangée du balcon est remplie de visages familiers. Nos sympathiques campeurs baristas à la retraite sont maintenant vêtus à quatre épingles. Toujours aussi bavards, ils m’avouent être saisis par l’ampleur et la beauté de la scénographie de Jan Versweyveld. Une fois le récit en marche, c’est l’inventivité de la mise en scène d’Ivo Van Hove, la pertinence de l’adaptation de Lee Hall et la performance magistrale de Bryan Cranston qui nous feront oublier notre nuit blanche de la veille. «Jean-Simon? Il ne fait pas trop froid à Montréal? Je te confirme que c’est encore plus enlevant sur scène que sur papier. Je pense qu’on tient quelque chose pour la saison prochaine.»

David Laurin, codirecteur artistique de Duceppe