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Duceppe
Profil d'artiste

Oscar Wilde

biographie

Les mots d’esprit et le sens de la répartie d’Oscar Wilde sont célèbres. Ainsi, au cours d’une réception, une aristocrate s’approche de lui afin de le mettre à l’épreuve et sûre de son effet lui dit: «N’est-ce pas, monsieur Wilde, que je suis la femme la plus laide de France?» Wilde hésite une fraction de seconde, puis s’inclinant sur la main tendue, répond: «Du monde, Madame, du monde!»1 Oscar Fingal O’Flahertie Wills Wilde est né à Dublin, en Irlande, le 16 octobre 1854, en pleine époque victorienne, époque de puritanisme fortement teintée de certains principes d’austérité prônés par l’aristocratie de l’époque. Son père, Sir William Wilde, est un chirurgien réputé et l’oculiste attitré de Sa Majesté la reine Victoria. Sa mère, Jane Francesca Elgee, polyglotte et intellectuelle, est une poète ardente, proche du Sinn Fein (faction armée de l’IRA), qui signe ses œuvres sous le pseudonyme de Speranza. Après la naissance d’un premier enfant, un garçon prénommé Willie, Speranza désire une fille. Ce sera de nouveau un garçon: Oscar. Qu’à cela ne tienne, Oscar sera une fille. «Pour Speranza, le réel n’existe pas. Seul l’artifice. Le fantasme. Oscar passera sa vie à essayer de confirmer cette idée fausse, à manier le paradoxe, à brouiller les cartes, à étendre un flou artistique sur toutes choses.»2 Vers la fin de sa vie, il écrira d’ailleurs, du fond de sa prison, dans De Profundis: «Le vice suprême est d’être superficiel.» Dès son plus jeune âge, Oscar est habillé en fille et se mêle peu au jeu des garçons de son âge. Cinq ans après la naissance d’Oscar, Speranza donne naissance à une fille. Enfin! Speranza, comme elle n’aura de cesse de le penser, en a désormais deux. Isola sera le double féminin de son frère jusqu’à ce qu’elle meure, à l’âge de 13 ans. C’est alors un grand déchirement pour le jeune Oscar qui écrira plus tard, en pensant à elle dans sa tombe: «Toute ma vie est enterrée là». En la perdant, en effet, il perdait également tout espoir de changer de rôle. C’est ainsi que toute son œuvre sera empreinte du thème du double: la vérité et le mensonge, l’hétérosexualité et l’homosexualité. Toute sa vie, Wilde contestera la vérité parce qu’on lui prête la vertu d’être supérieure au mensonge. Il cultivera donc le paradoxe et l’illusion et entretiendra sa misogynie du fait même que sa propre sexualité fut bafouée dès son plus jeune âge. Très tôt, alors qu’il est élève à la Portora Royal School, à Enniskillen, puis au Trinity College à Dublin, entre 1864 et 1873, il se distingue des autres étudiants par l’extravagance de ses vêtements et de ses opinions. Il commence à construire sa réputation de dandy qui se confirmera au cours des années suivantes. Oscar Wilde fut en effet un dandy. Le dandysme, qui se concrétise dans la manière de se vêtir de façon marginale et, souvent, flamboyante, de même que dans celle d’écrire et de penser, peut être considéré comme une contestation du puritanisme ambiant. C’est sans doute Charles Baudelaire, lui-même dandy et que Wilde admirait d’ailleurs sans réserve, qui a le mieux exprimé cette manière non conformiste de vivre en société: «L’homme riche, oisif, blasé, l’homme élevé dans le luxe, celui enfin qui n’a pas d’autre profession que l’élégance, jouira toujours d’une physionomie tout à fait à part. Que ces hommes se fassent nommer dandies, tous participent du même caractère d’opposition et de révolte; tous sont des représentants de ce besoin de combattre et de détruire la trivialité.» Sans doute le dandysme, chez Wilde, est-il également une réponse au désespoir. De 1874 à 1879, Oscar Wilde étudie au Magdalen College d’Oxford. En 1880, il s’installe à Londres. Son excentricité et ses attaques de la «bonne société» victorienne le rendent vite célèbre. En 1884, il épouse Constance Mary Lloyd qui lui donnera deux fils. Pendant cette période de vie conjugale, il vit dans le luxe et s’efforce au compromis. Il dirige un magazine de mode pour dames, mais bien qu’il tente de croire à la vie de famille, il fuit de plus en plus Constance, s’absente souvent, voyage. Déjà, quelques années auparavant, il était allé prononcer des conférences aux États-Unis et au Canada. En débarquant du bateau, à New York, il confiera d’ailleurs aux douaniers: «Je n’ai rien à déclarer, sauf mon génie.» Entre 1887 et 1890, il publie ses premières nouvelles et ses premiers essais, dont Le Déclin et le Poison, Le Critique comme artiste et L’Âme de l’homme sous le socialisme. En 1891, il fait paraître ce qui s’avérera son unique roman, Le Portrait de Dorian Gray, qui choque le public anglais. Au cours des années qui suivent, Oscar Wilde est considéré de plus en plus comme le grand prêtre d’un courant qui défie l’Angleterre victorienne. Ses excentricités défraient la chronique, mais il est reconnu par ses pairs et son œuvre est à l’origine d’un large mouvement de pensée qui inspire les revues littéraires. S’inspirant abondamment d’auteurs célèbres, dont Alexandre Dumas fils, il écrit des comédies qui sont des critiques acerbes de la «bonne société» anglaise et qui renouvellent radicalement le théâtre anglais: Le Crime de Lord Arthur Saville (1891), L’Éventail de Lady Windermere (1892), Une femme sans importance (1893), Un mari idéal (1895), De l’importance d’être constant (1895), Salomé (pièce écrite en 1894 mais interdite en Angleterre et créée en France, en 1896, avec Sarah Bernhardt dans le rôle de Salomé). C’est aussi pendant cette période prolifique que les amours d’Oscar Wilde pour le jeune Lord Alfred Douglas se révèlent. Accusé par le père du jeune homme, le marquis de Queensberry, de pervertir son fils, Oscar Wilde lui intente un procès pour diffamation. Mais le procès devient rapidement celui de Wilde et se transforme en une revanche de la société victorienne contre un artiste qui la tourne en dérision. Le 27 mai 1895, jugé et condamné pour homosexualité, Oscar Wilde doit purger deux ans de travaux forcés pour «des actes de grossière indécence avec d’autres personnes de sexe masculin.» Sa femme et ses enfants quittent alors le pays et changent de nom. À l’expiration de sa peine, le 19 mai 1897, il se réfugie en Bretagne et prend le nom de Sébastien Melmoth, emprunté de l’œuvre Melmoth the Wanderer de Charles Maturin dont Speranza, la mère d’Oscar, était la petite-nièce. En 1898, à la suite du décès de sa femme, il s’installe à Paris où il publie La Ballade de la geôle de Reading. Il meurt dans la Ville Lumière, le 30 novembre 1900, des suites d’une méningite virale. Ainsi prend fin, abruptement, la vie de celui qui avait écrit, quelques années auparavant, que «le monde est un théâtre, mais la pièce est mal distribuée». En 1905, De Profundis, une longue lettre écrite pour Lord Alfred Douglas, par Oscar Wilde au cours de son incarcération à la prison de Reading, est publiée. 1 Jacques de Langlade, Oscar Wilde, Mazarine, 1987. 2 Catherine David, «Oscar Wilde, entre splendeur et misère», Le Nouvel Observateur, 12 au 18 août 1993.