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Duceppe
Nouvelle

Webdiffusion: une analyse signée Synapse C pour les Théâtres associés

4 mars 2023

Duceppe et les Théâtres associés (TAI) ont obtenu le soutien de Synapse C pour mutualiser et analyser des données issues des expériences de webdiffusion de spectacles afin d’en extraire des tendances et des constats utiles au milieu du théâtre.

Ce mandat s’inscrit dans le projet plus large de la Trousse d’outils pour la webdiffusion à l’usage des théâtres, pour lequel Duceppe a obtenu du financement du ministère de la Culture et des Communications du Québec via le programme Ambition numérique.

Les analystes de Synapse C avaient pour objectif de mesurer avec précision le potentiel d’augmentation des revenus et d’acquisition de nouveau public que présente la diffusion de spectacles de théâtre en différé sur le web.


Pour ce faire, Synapse C a eu accès à une base de données réunissant les transactions de billetterie des huit théâtres membres de TAI. Cinq théâtres ont pu fournir des données transactionnelles décrivant des ventes de pièces diffusées en vidéo sur demande (VSD). Au total, l’analyse a porté sur 320 spectacles diffusés en présentiel et 20 spectacles diffusés de manière virtuelle.

Acquisition de public et répartition géographique

Le tableau 2 présente les distributions du nombre de personnes ayant assisté à des spectacles virtuels selon leur type et la distance entre leur domicile et le théâtre visité.

Les spectateur·trice·s hybrides sont les personnes qui ont assisté à un spectacle en salle et un spectacle virtuel du même théâtre. Les autres spectateur·trice·s, qui constituent le nouveau public que chacun des théâtres a acquis via son offre virtuelle, sont réparti·e·s en deux catégories : les personnes ayant assisté à un spectacle dans un autre théâtre (nouveau public | autre théâtre) ; et celles n’ayant jamais fréquenté aucun théâtre de la base de données mutualisées (nouveau public | zéro théâtre).


tableau 2

public hybride

nouveau public

nouveau public | zéro théâtre

nouveau public | autre théâtre

moins de 15 km

15 à 25 km

plus de 25 km

Duceppe

33%

68%

46%

21%

60%

9%

31%

La Bordée

32%

68%

41%

27%

56%

5%

39%

Le Trident

26%

74%

47%

27%

54%

4%

42%

Rideau Vert

9%

91%

77%

14%

42%

11%

47%

TNM

41%

59%

44%

15%

52%

11%

37%

Total général

39%

61%

45%

16%

53%

11%

37%


Nous observons à quel point le public virtuel n'a fréquenté principalement qu’un seul théâtre: seulement 16 % des consommateur·trice·s ont été client·e·s d’un autre théâtre que celui diffusant le spectacle virtuel auquel iels ont assisté.

Par ailleurs, 45% de la clientèle virtuelle assistait à une pièce de théâtre pour la première fois (selon notre jeu de données) et on peut présumer que l’opportunité de le faire à distance pendant le confinement a dû être une expérience pour laquelle elle ne se serait normalement pas déplacée. Certes, plus du tiers de la clientèle virtuelle fréquentait un théâtre avant la pandémie. Seul le Rideau Vert diverge de ces tendances avec un taux d’acquisition de nouvelle clientèle de 77%.

Le tableau 3 résume la distance qui sépare le public virtuel et en salle selon les mêmes barèmes que le tableau précédent.

tableau 3

spectacles virtuels

spectacles en salle

Distance

nombre de spectateur·trice·s

% du public

% du public

moins de 15 km

16981

53%

69%

15 à 25 km

3560

11%

12%

plus de 25 km

11789

36%

19%

Total général

32330

100%

100%


Un phénomène de creux a pu être observé lors de cette analyse : les client·e·s virtuel·le·s sont principalement soit rapproché·e·s des salles ou éloigné·e·s de celles-ci. Deux hypothèses émergent : les personnes friandes de théâtre habitent près de leur diffuseur préféré et les théâtres ont développé une clientèle de proximité (53%); et la diffusion en ligne a permis d’éveiller la curiosité de personnes pour qui la distance est un frein à la consommation de théâtre en présentiel.

Le tableau 4 dresse le même portrait, mais selon le type de spectateur·trice.


tableau 4

Type de spectateur·trice

moins de 15 km

entre 15 et 25 km

plus de 25 km

hybride

73%

8%

20%

nouveau public pur

51%

6%

43%

nouveau public TAI

50%

9%

41%

Total général

57%

8%

35%


Les théâtres auraient intérêt à cibler le nouveau public virtuel pour leur prochains spectacles en salle, car la moitié des membres de celui-ci est relativement près des théâtres, ce qui présente une bonne opportunité de fidélisation.


Nombre de théâtres visités

tableau 5

nombre de théâtres visités

nombre de spectateur·trice·s

%

1 seul théâtre

14986

95%

2 théâtres

673

4%

3 théâtres

57

0,40%

4 théâtres

10

0,06%

5 théâtres

1

0,01%

Total

15726

100%

Note : Un·e spectateur·trice ayant assisté à plus d’un spectacle virtuel dans un même théâtre est compté·e uniquement une fois.

Les spectateur·trice·s virtuel·le·s de la période pandémique ont démontré de l’intérêt pour l’offre d’un seul diffuseur de théâtre. Puisque 95% du public analysé n’a pas exploré l’offre virtuelle des autres théâtres, on peut affirmer qu’il n’y a pas eu de concurrence entre les théâtres, mais également qu’il n’y a pas eu d’effet d’entraînement chez le public virtuel au fil du temps.


Coûts de production et retour sur investissement


Le tableau 6 expose des indicateurs qui résument clairement les flux monétaires engendrés par les activités de diffusion virtuelle chez les différents théâtres. En comparant les coûts et revenus d’un seul billet, on observe une tendance très négative.


tableau 6

Coûts (virtuel)

Revenus (virtuel)

Revenus (en salle*)

coût moyen d’une production

coût de production par billet

revenus moyens par production

prix de billet moyen

revenus moyens par production

prix de billet moyen

74 000$

200$

26 600$

17$

493 000$

40$

*saison 2018-2019

Pour l’ensemble des théâtres, le coût de production par billet virtuel varie beaucoup, allant de 6$ par billet à 620$ par billet. Le coût total par projet va de 31 000$ à 121 000$. En moyenne, le coût de production d’un projet virtuel par personne est presque 12 fois le prix de vente du billet virtuel.

De plus, le nombre de spectateur·trice·s virtuel·le·s par production (1565, en moyenne) est 8 fois plus bas que celui des spectateur·trice·s des spectacles en salle (12 325), malgré l’absence de contrainte d’inventaire et d’horaire propre à ce mode de diffusion.

À moins de changer profondément la stratégie de production des spectacles virtuels et/ou d'augmenter radicalement le volume de ventes de billets pour ceux-ci, le milieu du théâtre accusera sans doute des pertes fulgurantes dans l’exploitation de ce créneau.


Perspective


De manière générale, les expérimentations des théâtres en termes de webdiffusion ont occasionné des coûts énormément difficiles à récupérer pour un rayonnement relativement limité des oeuvres proposées. Mais, le tout ne s’est pas fait sans quelques apprentissages sur un public potentiel qui pouvait sembler jusqu’alors dormant. En effet, il existe une certaine curiosité envers le milieu théâtral à l’extérieur d’un rayon de 25 km des théâtres. Mais développer et fidéliser ces publics sera un défi majeur étant donné que le public ne sera pas prêt à naviguer parmi les différentes offres théâtrales de leur propre chef.

En isolant, au point de vue des données, les nouveaux·elles client·e·s que chaque théâtre a pu acquérir via la webdiffusion, on constate qu’il y a un potentiel de développement de public en salle via l'offre virtuelle, mais le jeu en vaudra la chandelle seulement si les théâtres arrivent à équilibrer les coûts et revenus de ce type de diffusion, ce qui semble hors d’atteinte pour le moment.


Conclusions des Théâtres associés (TAI)


La diffusion de spectacles de théâtre en différé sur le Web est souhaitable pour cultiver l’intérêt du public pour le théâtre, prolonger la vie des spectacles, développer de nouveaux publics et assurer aux spectateur·trice·s éloigné·e·s un accès aux meilleures productions théâtrales d’ici.

Les théâtres institutionnels québécois ne peuvent pas prendre en charge cette diffusion dans l’état actuel de l’écosystème parce que :

1) les dépenses engendrées par la production d'une captation vidéo de qualité dépassent largement les revenus générés par la diffusion en VSD ;

2) La diffusion des captations sur les sites Web individuels des théâtres n’offre pas une portée suffisante pour justifier les efforts et les sommes investies : les théâtres n’ont pas les ressources nécessaires pour soutenir les efforts de promotion sur un large territoire et une longue fenêtre de diffusion, ni pour assurer la découvrabilité de leurs contenus dans un environnement de concurrence féroce des plateformes de streaming.

L'État doit contribuer au développement de ces nouvelles activités de diffusion, et peut le faire de deux façons:

A) Offrir un soutien financier supplémentaire pérenne dédié à la production et la diffusion de spectacles de théâtre en différé sur le Web, de façon à combler l’écart entre les dépenses encourues et les revenus générés par cette activité déficitaire.

B) Pousser les diffuseurs publics à prendre en charge la production et la diffusion de spectacles de théâtre en différé sur le Web sur leur plateforme généraliste bien établie, en l'occurrence tou.tv et telequebec.tv, seuls véhicules d’envergure suffisante pour concurrencer les géants du streaming.



Travaux réalisé par Synapse C
Rapport révisé par Duceppe