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Duceppe

Mur de citations : entretien avec la scénographe Marie-Renée Bourget Harvey

8 janvier 2019

Comme vous avez pu le constater durant les représentations de Consentement, d’authentiques citations prononcées par des agresseurs et rapportées par des victimes ont été inscrites sur le mur de fond du décor créé par la conceptrice Marie-Renée Bourget Harvey. Rencontre avec une scénographe allumée.

Pourquoi avoir choisi d’intégrer des affiches sur lesquelles ont peu lire des témoignages de victimes (souvent des citations prononcées par leurs agresseurs) sur le mur du décor en 2e partie de Consentement?

Avec le metteur en scène Frédéric Blanchette, on ne voulait pas que ce spectacle reste simplement une fiction. Avec la prise de parole et le mouvement #MeToo, avec tout ce qui doit être dit et doit être dénoncé et avec ce silence qui entoure les agressions sexuelles et qui doit cesser : on ne pouvait pas faire à semblant que ce contexte n’existe pas.

Il y a vraiment une transition claire dans le texte, la prise de parole d’une victime qui déclenche un vrai drame et où tout bascule. La première partie du texte apporte aussi un sentiment très fort que la justice ne répond pas adéquatement à ces actes horribles. Donc on voulait démontrer l’envers de ce système institutionnel qui s’effrite à travers le décor qui se transforme littéralement pour exposer cette prise de parole importante. Une forme de rébellion de la population qui décide de se faire justice elle-même et qui est très représentative de ce qu’on vit en tant que société présentement.

On s’est associé avec la plateforme web Je suis indestructible pour récolter ces prises de parole, mais on ne voulait pas seulement rester au Québec et donc on est aussi allé chercher des citations lues dans des manifestations à travers le monde. Ces mouvements qui se lèvent sont planétaires, des milliers et des milliers de personnes descendent dans les rues un peu partout et on voulait représenter la force globale de ce mouvement. Il n’y a rien d’inscrit sur ce mur qui est inventé et ce respect des citations choisies est très important pour nous.

Comment se déroulent la création de ce mur et la récolte de ces prises de parole?

En réalisant ce décor, toutes les personnes qui travaillent à sa réalisation [toutes des femmes] sont très affectées par ce qu’on a à écrire sur ces affiches. Ça fait des mois que je cherche ces citations, que je les sélectionne et que toutes mes recherches internet portent là-dessus. Et ça évolue constamment : l’affaire Rozon, le juge Kavanaugh aux États-Unis, le procès houleux en Irlande où le string d’une jeune fille a été utilisé pour établir une preuve de consentement, etc. La réalité finalement dépasse de loin la fiction. Mais ces prises de parole à même le décor sont nécessaires pour nous [l’équipe de création] : on ne pouvait pas faire que du théâtre ici, il fallait aller plus loin, faire entrer l’actualité et la réalité dans cette pièce.

Pourquoi avoir décidé de n’utiliser que les comédiennes de ce spectacle pour effectuer ce changement de décor qui révèle au public le mur avec les citations ?

Ce mouvement part des femmes donc ce sont les actrices qui font les mouvements de décor. Ce sont les femmes qui déploient tout ça, elles font bouger les fondations. C’est évidemment très symbolique : faire ressortir leur force plutôt que leur fragilité. Mais c’est important de dire que les comédiens masculins ne sont pas cachés durant cette scène : ils sont à leurs côtés, en soutien à leurs camarades de jeu tout au long de ce changement de décor.