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Duceppe
Entrevue

Laboratoire Mama: une autrice rencontre ses personnages

26 mai 2021
Depuis le début mai, l’autrice Nathalie Doummar et la metteuse en scène Marie-Ève Milot animent des ateliers dramaturgiques réunissant, par petits groupes, une vingtaine de comédiennes originaires du Maroc, de la Tunisie, d’Égypte, du Moyen-Orient et… du Saguenay!

Pour notre quatrième laboratoire de création, nous avons invité Nathalie à développer son texte Mama (titre de travail), toujours en écriture, en permettant à des femmes qui partagent son bagage culturel à se l’approprier, le temps d’un atelier. Duceppe avait donc lancé en mars un appel à candidatures ciblant des actrices d’ascendance nord-africaine et moyen-orientale. Les interprètes participent maintenant à des séances de travail où elles lisent des scènes de la pièce et discutent de ses thématiques. Alors que le texte met en scène un groupe de femmes issues de trois générations, les artistes ont adopté un processus libre pour le laboratoire, où toutes les comédiennes peuvent incarner tour à tour chaque personnage, sans égard à leur âge.

Dans un reportage de Marie Labrecque récemment publié par Le Devoir, Marie-Ève Milot explique cette démarche:

«Avoir une multiplicité de voix pour un personnage lui donne de la matière. Et il s’agit aussi de créer des rencontres. À la base, on voulait créer un espace pour libérer la parole. On a de très beaux échanges. Il y a eu des partages. C’est précieux. Souvent [au théâtre], on va répéter dans un temps donné, on a 110 heures, faut que ça rentre. On parle, mais pas trop longtemps. Alors que là, c’est de la grande liberté.»
Ambre Jabrane, Lamia Benhacine, Elisabeth Sirois, Mireille Tawfik, Sharon Ibgui, Josianne Dulong-Savignac, Abla Farhoud, Marie-Ève Milot, Nathalie Doummar

Mama (titre de travail) est un huis clos: le patriarche d’une grande famille — un homme qui a été violent — agonise pendant six jours, veillé par trois générations de femmes.

«Ces femmes s’aiment, mais toute la violence qu’elles ont vécue à cause du patriarcat, elles se la passent» explique l’autrice Nathalie Doummar.

Plusieurs actrices présentes ont pu faire des parallèles avec leur propre famille:

«Cela me fait beaucoup penser à ma famille tunisienne, mais aussi beaucoup à ma famille saguenéenne! C’est fou, les ressemblances. C’est universel» note l’une des participantes, la comédienne Leïla Thibault-Louchem.

L’autrice pense qu’on peut aussi retrouver dans son texte une parenté avec l’univers de Michel Tremblay:

«Il y a une espèce d’ode aux Belles-sœurs. Quand j’ai vu la pièce, c’était tellement familier pour moi, cette façon d’être ensemble et de parler l’une par-dessus l’autre.»
Nathalie Doummar

Mama (titre de travail) est une fiction, mais l’autrice s’est grandement inspirée de sa propre famille pour écrire ce texte:

«C’est la première pièce que j’ai voulu écrire. J’ai grandi dans une communauté très nombreuse. Les chrétiens égyptiens, libanais et syriens se tiennent beaucoup ensemble. Partys de famille et d’amis, l’église, les scouts... Je suis née là-dedans, c’est dans mon ADN et c’est inépuisable comme matière!» raconte Nathalie Doummar à Michel Labrecque, dans un reportage audio d’ICI Première qui permet une incursion fascinante au cœur de ce laboratoire de création.
Wiam Mokhtari, Sharon Ibgui et Elisabeth Sirois

Dans les discussions qui ponctuent les ateliers, ces comédiennes se questionnent sur l'appartenance à la société québécoise, sur leur identité et sur leur place dans le milieu culturel québécois:

«On se bat pour cette visibilité. On regarde la télé d’ici et on ne se reconnaît pas. Il y a de plus en plus de diversité, entre guillemets, mais c’est une diversité de couleur de peau uniquement. C’est noir et blanc. Avant d'arriver à une diversité plus riche il faut pouvoir raconter nos histoires, avec des castings représentatifs et mettre en scène ces gens-là: accepter que ce sont des québécois et qu’ils font partie de la société québécoise.» «Il y a une différence entre personnages typés et clichés. Dans Mama (titre de travail), on est loin d’être dans des clichés. J’ai aucune inquiétude qu’on pourrait me stéréotyper ici, c’est trop bien écrit.»
Lamia Benhacine

Nathalie Doummar se réjouit de pouvoir enrichir son texte de ces discussions et de la collaboration avec ces actrices:

«Je n’en reviens pas que nous, des filles d’origine arabe de plusieurs pays différents qui sommes toujours dans le désir de nous intégrer, on ait cet espace ici, chez Duceppe, où on peut parler de nous. Cela me touche beaucoup. Je suis en train de découvrir qu’on fait partie intégrante de Montréal, du Québec. On n’est pas des invitées sur la scène culturelle».

L’autrice espère présenter sa pièce Mama (titre de travail), enrichie de tout le travail accompli durant ce laboratoire de création, sur scène en 2022 ou 2023.

Houda Rihani, Karina Aktouf, Hynda Benabdallah, Wiam Mokhtari, Ambre Jabrane, Lamia Benhacine, Elisabeth Sirois,Mireille Tawfik, Sharon Ibgui, Josianne Dulong-Savignac, Abla Farhoud, Marie-Ève Milot, Nathalie Doummar

Hynda Benabdallah et Karina Aktouf

Karina Aktouf et Hynda Benabdallah

Wiam Mokhtari

Marie-Ève Milot