Critique de la pièce Le Terrier :
La mort d’un enfant est un cataclysme majeur dans l’univers d’une personne. C’est le bouleversement d’une vie, le fléau auquel on ne croit pas pouvoir survivre. Le Terrier, pièce écrite par David Lindsay-Abaire, arrive à mettre des mots et des actes sur cette dure épreuve. Elle met en scène une famille qui doit réapprendre à vivre avec le vide laissé par la perte d’un être cher. Il n’y a pas de modèle à suivre quand il est question de deuil. Chacun le vit à sa manière, et cela crée parfois des tensions. Éviter un éléphant dans une pièce amène bien souvent les gens à se marcher sur les pieds. Les personnages sont donc non seulement confrontés à leur propre douleur, mais également à celle de leur entourage. Si la mère est décidée à cacher tous souvenirs qui ravivent sa douleur, le père quant à lui tente de s’occuper pour échapper à sa peine. Le chagrin fini par les éloigner l’un de l’autre et en tant que spectateur, nous les accompagnons au travers toute cette gamme d’émotion.
Sous la mise en scène de Jean-Simon Traversy, les acteurs ont fait un travail extraordinaire. Ils sont arrivés à nous transmettre leurs émotions avec une fougue dévastatrice. Le fait qu’il n’y ait pas eu d’accessoires à manipuler durant la pièce accentuait également le vide causé par leur perte. Les petits bonheurs qui auparavant apportaient de la joie n’étaient plus que fades et éteints. Tout était fait pour que seule l’absence soit visible. C’était vraiment intéressant également que le plateau soit surélevé et le plafond suspendu au-dessus des acteurs. Cela illustrait la lourdeur qui pesait constamment sur leur épaule. Le fait que le plateau tourne au moment où tout est bouleversé était très évocateur. C’était une image très forte, un des moments le plus éprouvants de la pièce. On sentait vraiment que leur monde était bousculé, voire brusqué par l’entrée de ce personnage sur scène. Bref, la mise en scène et la scénographie allaient de pair avec le jeu des acteurs pour accompagner ce texte d’une brillante tristesse.
En résumé, c’est une pièce sur la perte, mais aussi sur la résilience. C’est bien entendu un sujet difficile, mais qui nous laisse tout de même sur une note plus légère. L’auteur parle de la douleur et de la perte comme une « grosse brique dans la poche » que l’on porte toute sa vie, mais il explique également que l’on finit par aimer cette brique, parce qu’au final, c’est tout ce qu’il nous reste à aimer.
Nadège Gendron Granger, 17 ans
Critique de la pièce Oslo :
Comme le dit si bien la metteure en scène Édith Patenaude, « Le conflit israélo-palestinien est complexe parce que la nature humaine est complexe. » Si vous voulez mon avis, cette phrase résume assez bien cette pièce. Celle-ci est humaine et bien entendu complexe, empli de volonté, mais plus encore ; de fragilité. Oslo met en scène les discussions internes qui ont donné suite à l’accord d’Oslo en 1993. Pièce basée sur des faits réels, elle nous permet de comprendre les nœuds que formait ce conflit, mais par-dessus tout, la manière dont ils ont été dénoués. Sont alors conviés à se rencontrer des personnages élevés dans la peur et la haine les uns des autres. Et contre toute attente, c’est grâce à leur seule volonté que les négociations mèneront à une paix commune.
La pièce débute, et nous sommes d’emblée confrontés à une intrigue dont on ne cerne pas encore les contours. Ça prend quelques minutes avant que l’on comprenne le contexte, mais une fois certains points éclaircis, on entre complètement dans l’histoire. On comprend la pression que subissent les personnages et encore plus, la peur à laquelle ils sont confrontés. Il est dur d'avoir confiance en général, mais ce l’est encore plus avec ces ennemis. Ils devront apprendre à se connaitre et à établir un lien de confiance. Nous assistons donc à ce long processus souvent tendu, mais qui laisse parfois place aux confidences et à l’humour.
Le décor est chargé et c’est parfait ! La symbolique des classeurs est très forte. Ceux-ci disposés de part et d’autre forment un labyrinthe avec lequel les acteurs doivent apprendre à se débrouiller. Ils sont donc obligés de trouver leur chemin dans ce parcours pour arriver à leur but. Et c’est ce qu’il incarne tout au long dans la pièce. Plus les problèmes trouvent leurs solutions, plus les classeurs sont écartés de la scène pour laisser place au final à la réelle table de négociations. C’est un très beau rappel et c’est visuellement très réussi. Ensuite, la présence des deux musiciens de jazz sur scène sert de trame sonore et nous tient en haleine du début à la fin. La musique accompagne les acteurs dans leur jeu autant que les spectateurs dans leur écoute. C’était une très bonne idée de la part de la metteure en scène, car ça ajoute beaucoup à cette pièce. Finalement, les acteurs ont fait un travail remarquable en incarnant ces figures importantes de l’histoire. C’est avec plaisir que le spectateur voit leur évolution sur scène.
Bref, il y a quelque chose de particulièrement humain dans la manière dont cette pièce traite du conflit israélo-palestinien. Ça parait complexe de prime abord, mais cela demeure très accessible. C’est une pièce culturelle et historique qui apporte beaucoup sur le plan personnel, car elle nous apprend énormément sur la nature humaine et la société en général. C’est en énonçant des faits réels de manière romancés que l’on fait une bonne histoire, mais c’est quand une pièce nous amène à nous questionner sur nous même que l’on comprend la force du théâtre. Décidément, la saison Duceppe commence en force !
Nadège Gendron Granger, 17 ans
Critique de la pièce Le bizarre incident du chien pendant la nuit :
J’ai envie de commencer en vous disant d’emblée que j’ai adoré cette pièce. L’histoire, le jeu des acteurs, la mise en scène et la scénographie, tout était au rendez-vous pour donner un spectacle magnifique. On dit souvent que la différence est ce qui caractérise l’humanité, qu’elle nous rend uniques les uns des autres, que c’est ce qui fait notre richesse en tant qu’être humain. Néanmoins, nous ne la comprenons pas toujours aussi bien que nous le voudrions. Cette pièce arrive sans difficulté à nous faire voir la réalité d’un jeune homme différent des autres et par le fait même, nous permet de jeter un regard nouveau sur nous-mêmes.
Du début à la fin, Sébastien René est imprégné par le personnage exigeant qu’il incarne. Il nous transmet l’image d’un jeune homme rempli de courage et de volonté, pour qui les mathématiques, la famille et la vérité ont une grande importance. On comprend très vite que ce jeune homme est différent des autres enfants. Par ces réflexions, ses réactions, ils nous dressent le portrait d’un enfant probablement atteint d’un handicap de l’autisme. Sans être mentionné dans la pièce, cet handicap nous plonge dans une réalité différente et marginale qui nous porte à prendre conscience du quotient auquel font face ses gens. On partage leur impression que les gens normaux sont anormalement compliqués et bruyants. On comprend leur inconfort face à la société agressante dans lequel ils évoluent à leur manière.
C’est vraiment spectaculaire à quel point la scénographie arrive à faire autant avec si peu. Elle nous permet d’entrer complètement dans la tête du personnage. Par l’entremise de projections, la scène et l’arrière-scène sont recouvertes par moment de brouillons, de notes ou de calculs mathématiques, alors qu’à d’autres moments, on peut y voir l’immensité de l’univers qui nous entoure. Cette projection illustre parfaitement l’imaginaire particulier de Christopher, son côté organisé et cartésien, mais également ses rêves et ses ambitions. Sans utiliser de décor imposant, Hugo Bélanger arrive sans problème à nous faire voyager de la salle de classe au métro de Londres. Avec sa mise en scène, il parvient autant à recréer la frénésie de la grande ville que le calme d’une maison de banlieue. Dans cette pièce, tout est calculé et planifié avec un rythme et un enchainement digne d’une chorégraphie. Les acteurs ont réellement fait un travail remarquable !
Bref, pour terminer la saison, cette pièce est une vraie perle. Toute en émotion et en originalité, elle nous transporte dans des dimensions jusqu’alors inconnues. Une pièce aussi captivante qu’enrichissante!
Nadège Gendron Granger, 17 ans
Critique de la pièce Le Chemin des Passes-Dangereuses :
« De tous les biens que je possède, peu de valeurs, rien à voler,
De tous les biens, de peu de biens, de biens de peu…
De tous les biens que je possède, peu d’honneurs, trois cœurs à aimer.
De tous les biens, de peu de biens, de biens de peu…
De tous les biens que je possède, peu de valeurs, rien à envier
De tous les biens, de peu de biens, de biens de peu…
De tous les biens que je possède,
Trois fils, les miens, oubliés. »
Le chemin des Passes-Dangereuses est une tragédie routière, une tragédie familiale. Elle met en scène trois frères, séparés depuis 3 ans déjà, victimes d’un accident de la route à l’endroit même où leur père y perdait la vie 15 ans plus tôt. Hantés par des secrets qui les rongent et les tourmentes depuis de longues années, ces trois frères devront mettre leurs différents de côté afin d’accepter leur passé. Un passé qui nous sera dévoilé peu à peu, à mesure que les vérités éclateront. De tous les souvenirs qui seront ravivés, bien trop, depuis longtemps oubliés. De tous les sujets qui seront abordés, bien trop, depuis longtemps esquivé.
Décor très simple, image statique à l’arrière-scène, le temps semble s’être arrêté sur scène. L’asphalte brisé nous met en contexte rapidement en laissant place à l’interprétation du spectateur. Le décor étant suggestif, l’accent est donc mis complètement sur les acteurs. Ceux-ci nous livrent une performance fantastique à la hauteur de ce classique québécois. Ce sont des personnages lourds et difficiles à interpréter et ils ont très bien rendu le contenu. Incarnés par Maxime Dénommée, Félix-Antoine Duval et Alexandre Goyette, les trois frères sont déboussolés et terrifiés par leur réalité qui les rattrape à grands pas. Nous sommes amenés à vivre ce tourbillon d’émotion à leur côté. La voix du père, en bande sonore, se fait entendre également quelquefois dans la pièce. Celle-ci est toujours amenée avec une touche de poésie. On comprend que l’art des lettres à une place centrale dans l’histoire, et ce dès l’entrée en salle. Le poème ci-haut, projeté sur l’écran à l’arrière-scène, nous plonge d’emblée dans leur univers tragique.
L’auteur a été cherché beaucoup de tabous dans cette pièce de théâtre, peut-être un peu trop même. Cela nous permet cependant de mieux comprendre la société des années 90, ses controverses et ses valeurs. Quelques moments humoristiques venaient atténuer la lourdeur de ce drame, mais l’histoire en restait parfois longue et dure à suivre. Cela reste tout de même un grand classique à voir!
Bref, cette pièce est d’abord et avant tous, centrer sur l’importance de la communication. Elle rend compte de la relation fraternelle complexe entre ses trois hommes, mais également de l’amour qu’ils se portent les un envers les autres. C’est une pièce qui respire l’humanité, dans ses bons et ses mauvais côtés.
Nadège Gendron Granger, 17 ans
Critique de la pièce Enfant insignifiant! :
Drôle, rafraîchissante et inspirante, l’œuvre de Michel Tremblay nous amène une nouvelle fois dans ses lointains souvenirs d’enfance.
La pièce débute avec un Michel Tremblay adulte, magnifiquement incarnée par Henri Chassé. Ce dernier est en train d’écrire la présente pièce à Key West. Peu à peu, les personnages en arrière-scène prennent vie et nous entrons réellement dans sa tête. Le jeune personnage de Michel Tremblay est alors joué par un acteur adulte tout au long de la pièce et j’admire le jeu d’Henri Chassé pour cette raison. Il a su faire vivre le personnage sans créer de confusion ou de détachement par rapport à cette différence d’âge. D’ailleurs, tous les acteurs ont fait un travail exceptionnel.
Michel Tremblay a réellement un don pour créer un lien fort entre le spectateur et les personnages. On se reconnaît en ses questions existentielles et en sa manière de voir le monde au travers des yeux d’enfant. Sa famille, ses amis, ses enseignantes, tous ont des personnalités très colorées et caractéristiques qui permettent au spectateur d’y entrevoir sa propre enfance. Ça faisait longtemps que je n’avais pas ri autant! J’ai adoré ses personnages et j’ai été agréablement étonné que malgré mon jeune âge, en comparaison avec les gens qui m’entouraient, je sois arrivé à comprendre très bien le déroulement de la pièce. Le génie de Michel Tremblay arrive donc à rassembler autant les jeunes que les adultes.
Je me suis spécialement identifiée au jeune personnage de Michel, car nous partageons la même passion : la lecture. J’ai donc trouvé particulièrement intéressante l’idée d’utiliser des pages de livres pour représenter le sable de la plage de Key West. Ça nous permet de comprendre que la lecture est une partie très importante dans son univers, une partie en laquelle je me suis retrouvé.
Bref, cette pièce a été pour moi un grand coup de cœur et je la recommanderais à tout le monde, car elle nous permet de nous reconnecter avec notre enfance trop souvent perçue comme insignifiante.
Nadège Gendron Granger, 17 ans
Critique de la pièce Les secrets de la Petite Italie :
Dans un décor des plus réalistes, la pièce Les secrets de la Petite Italie a su transporter ses spectateurs dans une histoire originale et bien véhiculée. Alors que l’actualité fait écho d’une société de plus en plus ouverte sur les différences, Steve Galluccio souligne l’importance de l’acceptation et du respect au sain de la famille. À travers son personnage haut en couleur d’Ivana, il valorise la franchise et la détermination. Celle-ci fut interprétée magnifiquement par François-Xavier Dufour, qui a réussi à transmettre l’essence du personnage avec grâce et prestance.
La pièce prenait un certain temps avant de démarrer. Durant un moment, le spectateur est un peu laissé à lui-même en ce qui a trait au but de l’histoire. C’est toutefois lorsqu’Ivana arrive que tout prend finalement son sens. Mélangeant culture italienne et québécoise, drame et humour, cette pièce réussit à nous plonger dans l’univers empli de secrets de cette famille italienne immigrée. Le grand-père qui craint tout au long de l’histoire d’être abandonné, et qui finalement les abandonne de lui-même… Ce renversement de situation final était un coup de génie! Michel Dumont a été formidable dans son monologue final. Danièle Lorain, l’actrice qui jouait Lia, a fait également un travail remarquable. Son jeu était formidable. Elle incarnait parfaitement le mélange d’une culture italo-montréalaise avec son accent et ses manières. Bref, le jeu des acteurs était très réaliste.
Le décor était peut-être un peu trop explicite. Il illustrait trop bien l’ensemble de la pièce, sans laisser la chance au spectateur de fournir un moindre effort pour visualiser le tout. Cependant, il était très bien réalisé. Tout, jusque dans les moindres détails, permettait de nous immerger dans l’histoire avec une vraisemblance exceptionnelle. De plus, la scénographie en général était très efficace. Le fait que l’éclairage de la fenêtre diminuait progressivement tout au long de la pièce marquait bien l’avancement de la journée, le temps qui passe. L’éclairage plus centralisé durant les monologues finaux permettait aux spectateurs d’accorder à l’acteur mis de l’avant toute l’importance qui lui était due. La mise en scène était un peu statique, mais prenant en compte le caractère contraignant d’une histoire se déroulant dans une pièce unique, elle parvenait parfaitement à transmettre l’essentiel.
Bref, c’était une pièce intéressante et réaliste. Le fait que Steve Galluccio exploite un sujet d’actualité qui touche notre société moderne permet par le fait même de sensibiliser le public sur les conséquences d’un rejet familial.
Nadège Gendron Granger, 17 ans