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Duceppe

Jeune critique : Mikaël Morin, 18 ans

9 janvier 2018

Enfant insignifiant ! : tout sauf insignifiant

Connu pour être un dramaturge exceptionnel, ayant créé l’œuvre théâtrale la plus marquante du Québec, Michel Tremblay est également l’auteur de plusieurs romans. Son plus récent, Conversations avec un enfant curieux, est adapté à la scène par Michel Poirier et en résulte le spectacle Enfant insignifiant !, présenté au théâtre Jean-Duceppe. L’intrigue est plongée dans l’enfance du jeune et très curieux Michel qui souhaite tout savoir. La patience de son entourage sera testée par ses multiples questions existentielles auxquelles il n’est pas toujours évident de répondre, surtout à un enfant naïf comme ce dernier. Le metteur en scène, Michel Poirier, a décidé de situer la pièce à Key West, dans le golfe du Mexique, puisqu’il s’agit de l’endroit où l’auteur, Michel Tremblay, écrit ses œuvres. Sur scène, une projection de la mer en arrière-plan, du sable au centre jardin et centre cour, puis un long quai prenant toute l’avant-scène et descendant de l’avant-centre jusqu’au lointain, forment le décor. Les comédiens ne sortent jamais en coulisse; lorsqu’ils ne sont pas présents dans la scène, ils vont s’asseoir sur des chaises placées sur le quai. Cette ingénieuse idée du metteur en scène permet de créer des chœurs, qui viennent ponctuer le texte, ainsi qu’installer une ambiance plus intime, donnant l’impression d’être transporté dans la tête du personnage principal, le jeune Michel. Cela permet aussi d’avoir un bon équilibre du plateau scénique et de donner vie à ce long corridor qui forme le quai, puisque l’action principale de la pièce ne se déroule qu’en avant-scène. Au final, cette mise en scène est visuellement très agréable à regarder par sa symétrie. Du côté de la distribution, il s’agit d’un sans faute pour le metteur en scène. Tous les comédiens incarnent avec justesse leur personnage respectif et demeurent convaincants du début à la fin de la représentation. La couleur d’acteur de chacun d’eux est perceptible sur scène, ce qui permet de voir différentes intensités et énergies, créant ainsi une explosion de saveurs théâtrales qui captive à coup sûr. Et pourtant, dans cette agréable diversité du jeu des acteurs, une unité dans celui-ci se fait sentir, ce qui résulte à une distribution très colorée, mais tout de même équilibrée, qui frôle ainsi la perfection. Cependant, la mention d’honneur revient au tandem formé de Guylaine Tremblay et d’Henri Chassé, jouant respectivement Nana et Michel, tout comme dans la monture de la pièce Encore une fois, si vous permettez, de Michel Tremblay, produite par la compagnie Jean Duceppe en 2016. C’est un grand plaisir de retrouver à nouveau ce duo de personnages et de comédiens dans Enfant insignifiant !, puisque leur chimie, créée par une excellente écoute et complicité, apporte du rythme ainsi qu’un fort côté humoristique au spectacle. Guylaine Tremblay entraîne les spectateurs dans une montagne russe émotionnelle, que ce soit en les faisant rire à gorge déployée à l’aide de son humour mordant, ou encore en les touchant droit au cœur par sa tendresse attachante et maternelle. De son côté, Henri Chassé joue un enfant totalement convaincant et attendrissant. L’acteur relève, avec brio, le défi d’incarner un jeune enfant, malgré sa différence d’âge avec le personnage, tout en restant très crédible et juste. En somme, toute l’équipe de création derrière cette production théâtrale peut se vanter d’avoir créé un spectacle d’une qualité exceptionnelle et d’un calibre très élevé. Enfant insignifiant ! est un incontournable en matière de spectacle à voir cette saison à Montréal. Les comédiens livrent une performance dynamique et juste, le texte aborde le thème de l’enfance avec humour et originalité, puis la mise en scène épate par son visuel éblouissant et son intelligence. Si j’avais à donner une cote à cette pièce de théâtre, ce serait près de la note parfaite. Cependant, la perfection n’existe pas. Mais des productions comme celle-ci me font douter de la véracité de cette affirmation… Mikaël Morin, 18 ans