texte d’Arthur Miller
mise en scène de Frédéric Dubois
traduction de David Laurin
avec Michel Dumont, Benoît McGinnis, Gary Boudreault, Simon Dépot, Milène Leclerc, Xavier Loyer, Vincent-Guillaume Otis, Évelyne Rompré, Julie Roussel, Louise Turcot
Au mois d’août. Après la guerre. Profondément marqués par la disparition au combat de leur fils Larry, les Keller s’accrochent à une apparente normalité. Ils affichent une aisance financière et une réussite sociale admirées de tous. Joe, le paternel, self-made man prospère, se remet d’une accusation de négligence criminelle après avoir vendu des pièces d’avion défectueuses. Vingt et un soldats américains se sont écrasés. Il a été innocenté, mais son partenaire, père de la fiancée de son fils manquant, croupit toujours en prison. Alors que Kate, la mère, refuse obstinément l’idée que Larry puisse être mort, une violente tempête déracine l’arbre planté à sa mémoire, un mariage inattendu est envisagé, une visite jette une nouvelle lumière sur le crime. Et voilà l’effondrement tragique de l’équilibre précaire des Keller.
Reflet du climat social et économique qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, condamnant l’idéal américain de prospérité, Ils étaient tous mes fils d’Arthur Miller (La mort d’un commis voyageur, Les Sorcières de Salem) traite de façon magistrale des responsabilités individuelles et collectives, de force morale et de lâcheté. Derrière les apparences du quotidien ordinaire d’une typique famille de banlieue, on nous présente une extraordinaire tragédie. Ou quand le rêve américain tourne au pire cauchemar… Ce texte puissant de Miller — qui aurait eu 100 ans cet automne — lui vaudra son premier Tony Award.
« C’est une pièce d’acteurs, la distribution est géniale. […] Michel Dumont est exceptionnel, extraordinaire ! » Isabelle Ménard, Gravel le matin, Ici Radio-Canada Première
« Le jeu des acteurs est audacieux et puissant. Benoît McGinnis est intense dans le rôle du fils restant, Louise Turcot instable et fragile à souhait, et Michel Dumont dégage une force suprême. »
Catherine Pogonat, Dessine-moi un dimanche, Ici Radio-Canada Première
« La mise en scène de Frédéric Dubois […] oscille entre l’humour et le sérieux, entre le réalisme social et la touche poétique, entre l’emphase sur les mots et les non-dits […] Ce début chez Duceppe s’avère définitivement aussi intelligent que cartésien. » Élie Castiel, Revue Séquences
« […] le texte est rendu dans toute sa limpidité, en grande partie grâce à la traduction impeccable de David Laurin, par des comédiens qui s’exécutent avec talent et conviction. […] Le spectacle […] procure de grands frissons. » Christian Saint Pierre, Le Devoir
« C’est une histoire tragique, intelligente et touchante […] Michel Dumont, Louise Turcot et Benoît McGinnis ont livré une superbe performance » Louise Bourbonnais, Le Journal de Montréal
Décor : Olivier Landreville
Costumes : Linda Brunelle
Éclairages : André Rioux
Musique : Pascal Robitaille
Accessoires : Normand Blais
Assistance et direction de plateau : Emmanuelle Nappert
Michel Dumont : Joseph Keller
Benoît McGinnis : Christian Keller
Gary Boudreault : Paul Bayliss
Simon Dépot : Frank Lubey
Milène Leclerc : Lydia Lubey
Vincent-Guillaume Otis : Georges Deever
Évelyne Rompré : Annie Deever
Julie Roussel : Suzie Bayliss
Louise Turcot : Kate Keller
Xavier Loyer : Albert
Ne vous servez donc pas de ce terme d’idéal quand nous avons pour cela dans le langage usuel l’excellente expression de mensonge.
Henrik Ibsen, Le canard sauvage
C’est l’histoire de notre chute.
Au moment d’écrire ces lignes, nous baignons dans le scandale Volkswagen. Cette saga est celle d’un mensonge, d’une dissimulation. Bien qu’elle soit déroutante, elle semble ne plus nous étonner.
On nous annonce en plus que derrière tout ça risque de se cacher d’autres scandales similaires.
Et ça non plus, ça ne nous surprend pas.
Comme s’il était entendu que ce genre de comportements est intrinsèque au monde dans lequel nous vivons.
Sommes-nous à ce point rendus insensibles?
Au moment d’écrire ces lignes, nous sommes aussi dans une longue longue longue campagne électorale. Et il est troublant de constater combien le détournement des mots, le détournement de sens colorent les discours et cachent ce qui serait nécessaire à nommer et à affronter.
Tout rendre lisse est une arme puissante on dirait.
Arthur Miller a décrit, dès les années quarante, la chute du système qui nous régit et où le fond semble se rapprocher trop rapidement.
La chute qui aujourd’hui divise en deux castes claires : l’une devant profiter de l’autre (voire détruire l’autre) pour exister : diviser pour mieux régner.
Nous avons construit une illusion dont nous sommes aujourd’hui à la merci. Nous sommes contrôlés par la peur de l’autre, surveillés de toutes parts.
C’est l’histoire de cette désolation.
Où les fils doivent détruire leur père.
Les pères doivent détruire leurs fils.
Où le passé enfoui, oublié, jeté, revient à toute vitesse nous rappeler que rien n’excuse l’ignominie.
Que le temps ne pardonne pas tout.
Où le mensonge règne.
Frédéric Dubois
Arthur Miller
Un dramaturge de génie
En cette année 2015, nous célébrons le centième anniversaire de naissance d’un géant du théâtre américain qui fut la conscience de son époque et qui a témoigné avec courage des plus grandes préoccupations de notre monde moderne.
Après La mort d’un commis voyageur, Les Sorcières de Salem, Après la chute, Le Prix et Vu du pont, DUCEPPE a tenu à souligner cet événement en présentant Ils étaient tous mes fils, une œuvre magistrale et incontournable.
Nous sommes en 1947 et l’Amérique sort victorieuse d’une guerre injuste. C’est le triomphe du courage et de l’abnégation. Le climat social est à l’euphorie. Mais une voix se fait entendre, celle d’un auteur qui ose dénoncer les profiteurs de guerre. Et Miller a raison quand il écrit que les hommes manquent d’une vraie conscience de leurs liens avec le passé.
Miller, à qui on demandait un jour : pourquoi le théâtre?, a eu ce mot sublime : « Pour que les hommes se sentent moins seuls. »
Merci, Monsieur Miller.
Michel Dumont
DUCEPPE : tout a commencé avec Miller.
En 1973, Jean Duceppe est convaincu que l’on doit présenter aux Montréalais La mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller, qu’il venait de jouer à Québec. Avec la passion, l’instinct et la détermination qu’on lui connaît, il fonde alors sa propre compagnie de théâtre. C’est à Michel Dumont, qui lui succédera à son décès en 1990 comme directeur artistique, qu’il offre le rôle de Biff, l’un des deux fils de Willy Loman, le personnage central de la pièce interprété par Duceppe lui-même. La nouvelle compagnie s’installe au Théâtre Port-Royal de la Place des Arts (rebaptisé le Théâtre Jean-Duceppe en 1991) et, dès la première saison, c’est l’engouement; on y accueille au-delà de 150 000 spectateurs.
Tout a donc commencé avec Arthur Miller… En 2015, année marquant le centenaire de la naissance de l’auteur, DUCEPPE poursuit sa 43e saison avec le désir de saluer, par la présentation de Ils étaient tous mes fils, celui que plusieurs qualifient du « plus grand dramaturge du 20e siècle », celui qui disait écrire du théâtre « afin que les humains se sentent moins seuls ».
Cette façon de voir le théâtre rejoint tout à fait MICHEL DUMONT, directeur artistique de DUCEPPE, qui, en plus d’incarner de nombreux personnages d’Arthur Miller sur scène, a traduit plusieurs de ses pièces.
« Arthur Miller est un auteur extraordinaire. C’est un grand génie. Un dramaturge qui exprime de façon extraordinaire les profondes préoccupations de l’homme, de l’humain. Prenez La mort d’un commis voyageur, par exemple. Elle a été présentée à Beijing, en Chine. Tout le monde lui a dit alors : “Voyons! Ce n’est pas le même monde, ils ne comprendront pas…ײ. Et bien, ç’a merveilleusement marché! Les gens étaient profondément émus. Parce que l’on comprend — qu’on soit Chinois, Grec ou Québécois — le drame d’un homme qui éprouve des difficultés avec son fils. Le drame d’un père qui aspire au rêve américain, non pas pour lui-même, mais pour son garçon. Afin que lui, devienne quelqu’un. Du Miller, ça touche universellement. C’est ça, la grande valeur de cet auteur.
Une bonne pièce de théâtre pour l’équipe de DUCEPPE, c’est justement une œuvre où les personnages nous parlent, auxquels nous pouvons nous identifier, une œuvre qui traite de thèmes essentiels, de préoccupations culturelles et sociales qui vont droit au cœur du public. C’est aussi une pièce qui véhicule de l’émotion, de la scène à la salle. Où les spectateurs, coude à coude, regardent évoluer les personnages et repartent avec un paquet d’émotions en eux. C’est ce que souhaitait dès le départ Jean Duceppe, qui répétait : “Je veux toucher le monde, les amuser, les faire rire, pleurer ou réfléchir, peu importe, mais je veux les toucher. Comme dans la vie.” D’ailleurs, Monsieur Duceppe a eu l’audace de demander l’autorisation à Arthur Miller de monter des traductions québécoises de ses textes. Parce qu’on a un rythme québécois, des images, des mots à nous. Et pour éviter toute distance entre les personnages et son public. Et il a réussi! »
LOUISE DUCEPPE, fille de Jean, directrice générale de DUCEPPE, se souvient du combat de son père pour qu’on lui accorde l’autorisation de présenter des traductions québécoises des œuvres d’Arthur Miller. DUCEPPE est la première compagnie francophone à avoir obtenu ce droit.
« Ce fut une rude lutte! Au début, comme tout le monde, on était obligés de prendre les traductions d’Éric Kahane, celui qui traduisait toutes les œuvres d’Arthur Miller en français. Mais, pour papa, c’était impensable qu’à cause de la langue, d’un français qui n’est pas le nôtre, une distance soit créée entre le public et l’œuvre de Miller, les préoccupations qu’il aborde, son américanité… Nous sommes un théâtre où l’on souhaite une proximité entre la scène et la salle. Il ne faut pas que le langage devienne une barrière.
Mais il faut savoir que les traducteurs, membres de la SACD, obtenaient des auteurs que seules leurs traductions soient utilisées dans toute la Francophonie. C’était avant que papa leur fasse comprendre que oui, on parle français, mais pas exactement ce français-là… Comme l’américain et l’anglais sont différents, par exemple. On a donc imposé notre façon de faire en 1974 et on passait directement par les auteurs ou leurs agents. Quand on a commencé à faire les choses de cette manière, ç’a brassé! La SACD perdait son monopole.
Aujourd’hui, on a d’excellents traducteurs qui réussissent à mettre dans nos mots les univers d’auteurs américains, anglais ou russes… Maintenant, présenter des traductions québécoises, c’est la norme, sauf exception. Ça m’étonne toujours d’ailleurs quand un théâtre d’ici choisit de prendre une adaptation française, surtout d’une production américaine. Mais, attention, il faut qu’une traduction québécoise serve la pièce. Le monde est vaste. Ce serait fatigant de se sentir obligés de tout adapter à ici, au Québec! »
Le mot de la fin revient à MONIQUE DUCEPPE, fille de Jean, metteure en scène et traductrice, qui voyait en 2000 le Masque du public Loto-Québec attribué à DUCEPPE pour La mort d’un commis voyageur, dont elle avait signé la mise en scène.
« Depuis, nous avons monté presque toutes les pièces majeures d’Arthur Miller dans nos propres traductions : Ils étaient tous mes fils, La mort d’un commis voyageur, Les Sorcières de Salem, Vu du pont, Après la chute et Le Prix. Personnellement, je les ai presque toutes faites. Mise en scène, direction de plateau et même le son en tournée! L’œuvre de Miller est tellement identifiée à la compagnie et à papa, qui était plus grand que nature dans la peau de Willy Loman…
Je me souviens qu’avant que l’on présente nos propres adaptations, on entendait des étrangetés dans les traductions françaises (de France). Par exemple, “les Bas Rouges de Boston” pour désigner les Red Sox de Boston dans La mort d’un commis voyageur! Ou dans Steinbeck : “Moi, mes haricots, je les mange avec du coulis de tomates” pour “I like my beans with ketchup” dans Des souris et des hommes! Pour les Français c’est peut-être correct, mais ici? Au mieux, on rigole. Au pire, on se rebute.
Miller, finalement, c’est des mots simples, mais des mots qui disent tout ce qu’ils ont à dire. »